Comprendre les surfaces continentales
Source : Rapport CNES SPS 2024
Atténuer et s’adapter au changement climatique, préserver les écosystèmes tout en garantissant la sécurité alimentaire et le bien-être de la population mondiale sont des défis majeurs qui nous imposent de mieux comprendre le fonctionnement des surfaces continentales afin de participer à la mise en place et à l’évaluation de nouvelles stratégies de gestion durable et de partage des ressources. Les surfaces continentales occupent une place particulière au sein du système Terre en raison de leur grande diversité. Par rapport à l’océan ou l’atmosphère, on connaît très mal les propriétés physiques élémentaires de ce compartiment situé entre la roche mère et l’atmosphère aussi appelé « zone critique ». Cette fine pellicule à la surface des continents est le siège d’une multitude de processus biogéochimiques complexes qui sont de surcroît largement influencés par l’activité humaine. Cette influence anthropique met à mal les approches basées uniquement sur les lois de la physique et renforce le besoin d’observations satellitaires pour mieux contraindre les modèles de fonctionnement de la surface continentale. Hétérogénéité et discontinuités spatiales sont des caractéristiques fondamentales de la surface continentale qui imposent des observations très diversifiées et à haute résolution spatiale (voire temporelle).
Depuis 2019, notre capacité d’observation des surfaces continentales a nettement progressé grâce à l’allongement des séries de mesures de missions emblématiques (e.g. SMOS, Sentinel-1 (S1), Sentinel-2 (S2), SPOT, Landsat, MODIS, Pléiades, GRACE), la mise à disposition des données de nouvelles missions (Venμs 2017, ICESat-2 et GEDI 2019, Pléiades-Néo 2021, SWOT fin 2022) et la montée en charge de la constellation Planet. La communauté scientifique française s’est activement préparée à l’arrivée des données des futures missions BIOMASS, CO3D et FLEX en 2025, et TRISHNA en 2026. L’observation de la Terre (OT) étant loin de répondre à tous les besoins, de nombreuses avancées scientifiques s’appuient sur l’intégration des données spatiales avec des données in situ et des outils de modélisation de plus en plus sophistiqués. Ce triptyque OT/modèle/donnée est maintenant renforcé par l’émergence de nouvelles sources, comme les données textuelles des médias numériques ou le crowd sourcing, et des outils issus de l’Intelligence Artificielle (IA). Grâce à ces données et outils en plein essor, la connaissance des surfaces continentales a progressé sur de multiples fronts de recherche en sciences de la Terre, science du vivant, sciences des données et sciences humaines, en partie grâce à des approches pluridisciplinaires prometteuses et à la mise en place de passerelles entre la recherche et des partenaires publics et privés. Ce partenariat cherche encore son mode de fonctionnement malgré une attente très forte de la société et des réussites notables durant ce quinquennat.
Les enjeux scientifiques et observations possibles depuis l’espace
Saisir les dynamiques des stocks d’eau sous toutes leurs formes : précipitations, eau souterraine, neige, eau de surface et glace.
Objectifs
- Pour la variabilité spatiale des précipitations :
Grâce aux nouvelles données SWOT et TRISHNA, notre connaissance du cycle de l’eau continental fera un bond de géant au cours du prochain quinquennal. S3NG-T, qui devrait être composé de 2 altimètres à large fauchée et lancé après 2030, prolongera les avancées initiées par SWOT. Ces missions contribueront à réduire le nombre d’inconnues dans l’équation bilan du cycle de l’eau continentale jusqu’à des échelles spatiales fines compatibles avec celles de la gestion des ressources en eau. Néanmoins, il reste des défis considérables pour parvenir à fermer le bilan hydrologique aux échelles spatiales de la gestion de l’eau. En premier lieu, la variabilité spatiale des précipitations est encore très mal contrainte dans de nombreuses régions du globe.
- Pour les variations du stock d’eau souterraine
La variation régionale du stock d’eau souterraine reste la grande inconnue du cycle de l’eau terrestre. C’est pourquoi NGGM (au sein de la constellation MAGIC) est extrêmement important et doit être soutenu auprès de l’Esa.
- Pour les variations du stock de neige
La méconnaissance du stock de neige dans les régions de montagne limite notre capacité à établir des diagnostics fiables des ressources en eau disponibles en amont des bassins versants.
- Pour les variations du stock d’eau de surface
Par ailleurs, avec 2 à 3 mesures en moyenne tous les 21 jours, la mission SWOT restera insuffisante pour capturer les fluctuations hautes fréquences des hauteurs d’eau dans les cours d’eau, les lacs et les zones humides (Q4) ; cette revisite limitée est également inadaptée pour l’étude des crues et inondations, alors que le changement climatique conduit à augmenter leur fréquence et intensité. Mieux modéliser ces aléas hydrologiques dépendra aussi des progrès dans la description des précipitations, du manteau neigeux et de l’humidité du sol à haute résolution.
- Pour les variations du stock de glace
Enfin, aux échelles de temps climatiques, l’incertitude principale sur l’amplitude et la rapidité de la hausse du niveau des océans est liée à l’évolution des calottes polaires. Il est primordial de mieux comprendre l’évolution des propriétés internes des calottes Antarctique et Groënland où les modèles glaciologiques divergent significativement en raison d’effets non-linéaires (points de bascule) dans leur réponse au forçage climatique.
Observables
- Précipitations
- Humidité du sol
- Variation du champ de pesanteur
- Équivalent en eau
- Hauteur du manteau neigeux
- Volumes d’eau
- Débit
- Pratiques culturales
- Vitesse d’écoulement
- Température
- Topographie
Missions contributrices
Missions actuelles :
SWOT, S3, S6, (tous les altimètres nadir en fait), S2, SMOS, GRACE, Pleiades, Pleiades_neo, SPOT6/7
Missions futures :
TRISHNA, LSTM, S2NG, CO3D, S3 NG (les 2)
Missions demandées par le SPS 2024 :
4dEarth, SMASH, FRESH
Comprendre les dynamiques du carbone dans les sols, dans les eaux, analyser le pergélisol, ainsi que la réaction de la végétation aux perturbations
Objectifs
- Pour la variation des stocks de carbone dans les sols :
Notre connaissance du cycle rapide du carbone continental devrait aussi progresser considérablement avec le lancement de deux missions dédiées au suivi de la végétation (FLEX, BIOMASS). BIOMASS apportera des données clés pour estimer les stocks de carbone dans les forêts tropicales où les capteurs actuels saturent. FLEX permettra de mieux comprendre la réponse de la photosynthèse au changement climatique y compris en régions agricoles. Néanmoins la plus grande incertitude actuelle dans le cycle du carbone est la variation du stock de carbone dans le sol (racines, mycorhize, etc.).
- Pour l’évolution du pergélisol :
Le relargage du carbone organique stocké dans ces sols gelés pourrait accentuer significativement la hausse de la température atmosphérique planétaire (+0,7°C si 10 % du pergélisol de l’hémisphère nord dégèle). Pour fermer le bilan carbone des bassins versants arctiques et tropicaux il est important de réduire l’incertitude sur les flux de carbone organique dissous car les mesures in situ font défaut dans ces régions clés (Q3).
- Pour le carbone des eaux continentales
La biomasse racinaire peut être estimée indirectement à travers des relations allométriques mais pour cela des mesures précises et denses de la structure en trois dimensions des forêts sont nécessaires et font encore défaut malgré les progrès considérables réalisés grâce aux lidar ICESat-2 et GEDI. Une incertitude majeure concerne également l’évolution du pergélisol sous l’effet du changement climatique.
- Pour la réponse de la végétation aux perturbations des sols
A l’échelle globale, il est indispensable de continuer à surveiller la réponse de la végétation aux changements globaux : via la photosynthèse la surface continentale absorbe un tiers des émissions humaines de gaz à effet de serre. L’efficacité de ce puits de carbone dépendra de la réponse de la végétation aux perturbations climatiques et pressions anthropiques avec le risque de franchir des points de bascule en cas d’extrêmes climatiques (Q4).
Observables
- Structure 3D des forêts (biomasse racinaire)
- Couleur du sol
- Température du sol
- Phase de l’eau du sol
- Changement de topographie
- Concentration en carbone organique dissous
- Blooms
- Variables biophysiques
Missions contributrices
Missions actuelles :
SMOS, S2, pleiades, Pleiades NEO , Spot6/7
Missions futures :
BIOMASS, FLEX, S2NG, CHIME, TRISHNA, LSTM
Missions demandées par le SPS 2024 :
4dEarth, FRESH
Les enjeux socio-écosystèmes : exposition, vulnérabilité et dynamique
Objectifs
L’enjeu actuel majeur est de quantifier les impacts des changements climatiques, démographiques, économiques, sanitaires et/ou sécuritaires sur les sociétés et les écosystèmes, et d’évaluer leur réponse à ces perturbations. Quelle est la capacité biophysique et socio-économique des sociétés à s’adapter à ces changements globaux ? Quel est le rôle de la biodiversité dans la résilience des écosystèmes face à ces perturbations ? Quels sont les effets des stratégies d’adaptation sur la trajectoire des systèmes ? Est-on capable d’identifier des points de non-retour ?
La réponse à ces nombreuses questions passe par la cartographie précise (l’exposition) des socio-écosystèmes dans toute leur diversité, et par la caractérisation de leur vulnérabilité et de leur dynamique.
Observables
- Occupation des sols et biodiversité
- Usages des sols
- Paysages en 3D
- État des milieux naturels (végétation, sol, eau) et biodiversité
- État biophysique et socio-économique des milieux anthropisés
- Changements d’occupation/usage des sols
- Métriques de type de changement
Missions contributrices
Missions actuelles :
Pleiades, Pleiades_neo, SPOT6/7, Enmap
Missions futures :
CO3D, S2NG, CHIME, TRISHNA, LSTM
Missions demandées par le SPS 2024 :
BIODIVERSITY, 4Dearth
Approfondir le sujet
Sources et références
Bouyer B., Rodler A., Roupioz L., Guernouti S., Musy M., Briottet, X. (2022), Apport de la télédétection dans la modélisation numérique du microclimat urbain à l’échelle du quartier, 30ème congrès annuel de la Société Française de Thermique (SFT) 2022, May 2022, Valenciennes, France.
Hugonnet R., McNabb R., Berthier E., Menounas B., Nuth C., Girod L., Farinotti D et al. (2021). Accelerated global glacier mass loss in the early twenty-first century. Nature, 592, 726–731.
IPCC (2014). Summary for policymakers. In: Climate Change 2014: Impacts, Adaptation, and Vulnerability. Part A: Global and Sectoral Aspects. Contribution of Working Group II to the Fifth Assessment Report of the Intergovernmental Panel on Climate Change [Field C.B., Barros V.R., Dokken D.J. et al. (eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA, pp. 1-32.
Lang M., Ferriere M., De Boissieu F., Briottet X., Fabre S., Sheeren D., Féret J.-B. (2023), Cartographie de la diversité spécifique forestière des milieux tempérés à partir d’imagerie hyperspectrale. In: Badard T., Pouliot J., Noucher M., (Eds), M.V.-O. (Eds.), Spatial Analysis and GEOmatics (SAGEO 2023), Québec, Canada, pp. 107-121.
Mermoz S., Bouvet A., Koleck T., Ballère M., Le Toan T. (2021), Continuous Detection of Forest Loss in Vietnam, Laos, and Cambodia Using Sentinel-1 Data. Remote Sensing, 13(23), 4877.
Zhang S., Vega C., Deleuze C., Durrieu S., Barbillon P., Bouriaud O., Renaud J.P. (2022). Modelling forest volume with small area estimation of forest inventory using GEDI footprints as auxiliary information. Int. J. Appl. Earth Obs. Geoinformation, 114, Article 103072.
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